Patrick Gouyou Beauchamps, président du groupe de conseil et d’achat média Values, souligne le double effet de la crise économique sur la relation agence-annonceur : la demande faite par certaines marques de baisser significativement leurs rémunérations, ce qui peut créer des tensions, mais aussi, pour d’autres, l’appel à une collaboration nouvelle et plus participative.
Interview parue le 18 mai 2020 sur Mind News
Quels constats faites-vous de la crise sur l’activité des agences ?
La crise sanitaire puis sociale et économique générée par la pandémie du Covid-19 fragile de toute évidence le secteur de la communication, celui de la publicité et des médias en particulier. L’arrêt brutal de l’activité économique a pour conséquence une demande massive des annonceurs de reporter ou d’annuler leurs campagnes publicitaires : chute de plus de 70 % des investissements publicitaires en avril 2020 et d’au moins 20 % sur l’ensemble de l’année. La baisse consécutive du chiffre d’affaires et de la rentabilité des agences médias est alarmante.
Cette crise touche différemment les agences indépendantes et celles des réseaux internationaux : les plus petites rencontrent déjà des difficultés de trésorerie, malgré le Prêt d’État Garanti – qu’il faudra rembourser – et certaines d’entre elles sont menacées de faillites. Les agences internationales bénéficient de l’assise financière de leur réseau, mais elles vont très rapidement devoir structurer des plans sociaux pour garantir à leurs actionnaires une rentabilité positive.
Quelles conséquences immédiates la crise a-t-elle eu sur vos relations avec les marques ?
La crise sanitaire est devenue une crise économique puis sociale. Elle a pu tendre la relation agence-annonceur : certains annonceurs en ont profité pour demander à leurs agences de baisser significativement leurs rémunérations alors même qu’ils leur demandaient davantage d’accompagnement. Mais c’est aussi une opportunité pour redéfinir les contours d’une relation plus vertueuse et respectueuse, d’un mode de collaboration plus participatif entre agences médias et annonceurs. Ces derniers sont demandeurs d’un accompagnement renforcé, d’une agilité à toute épreuve, d’une analyse des modifications des comportements et attentes des consommateurs à court, moyen et long terme, d’une veille encore plus aigüe.
Quels sont les nouveaux besoins créés par la crise chez les annonceurs ?
La crise crée un besoin réaffirmé des agences médias, une écoute plus attentive de leurs analyses, une volonté d’investir fortement le terrain des valeurs. Elle donne un cap pour une communication moins mercantile, moins opportuniste, fondée sur la responsabilité sociale et économique des entreprises, sur leur impact durable. Parallèlement, l’agence média doit être plus intégrée encore à la réflexion stratégique et non plus seulement le “prestataire d’achats”.
Le confinement a renforcé notre proximité avec nos clients et démontré la force de notre accompagnement : études et analyses des enjeux des marques, veilles marchés approfondies, organisations de worshops avec nos clients pour repenser leurs stratégies de marques, etc. Je suis convaincu que les annonceurs ont plus que jamais besoin des agences médias, de leur vision stratégique, de leur potentiel créatif, de leur capacité à analyser la data, à décrypter les nouveaux comportements induits par la crise, à se projeter dans un monde inattendu.