Emmanuel Guillerme, directeur OOH et DOOH de l’agence média indépendante Values, et Emmanuel Cybeo, directeur des expertises offline, estiment que le déploiement du marché de l’affichage digital nécessite une simplification de l’accès aux inventaires et donc le développement des technologies d’automatisation de vente et d’achat publicitaire.

Le digital outdoor, ou DOOH, autrement dit l’affichage digital, relais de croissance de l’affichage traditionnel, représente plus de 163 millions d’euros nets investis en 2018 en France. Le support était en progression de 22 % en un an et cette tendance va se poursuivre, avec déjà 26,5 % au premier trimestre 2019.

Ce média est loin d’être à maturité et répond à beaucoup d’attentes : les concédants (mairies, foncières, gares,…) sont friands de ces nouveaux modes d’affichage, qui sont appréciés du public, les afficheurs y voient le renouvellement et la revalorisation d’une offre historique dont le développement est désormais contraint par la réglementation, enfin les annonceurs apprécient la souplesse et l’impact du format vidéo.

Il faut simplifier l’accès aux inventaires pour les acheteurs

Assez naturellement, en pleine phase de croissance, le marché se développe et s’atomise : aujourd’hui, en France, plus de 30 éditeurs sont présents, plus de 55 000 écrans sont disponibles, avec une pluralité de formats et de contextes de diffusion : centres commerciaux, rues piétonnes, transports, lieux de consommation….

En revanche, l’offre se développe plus vite que les outils pour y accéder car les afficheurs travaillent encore très majoritairement en gré à gré : se pose donc assez naturellement la question de l’accès aux inventaires, de manière exhaustive, pour pouvoir répondre au mieux à la problématique annonceurs : bien couvrir une zone géographique en choisissant les meilleurs écrans, peu importe s’il s’agît du même réseau et/ou éditeur.

En effet, avec le format vidéo, l’achat est censé être beaucoup plus souple qu’en OOH traditionnel, puisque l’acheteur peut déterminer le nombre d’impressions souhaitées sur une sélection d’écrans définis, très différent donc de la réservation statique et anticipée de l’OOH, sur sept jours de communication…

Une source de data unifiée pour les acheteurs

L’affichage digital offre une promesse de média planning plus souple mais elle n’a de valeur ajoutée que si les acheteurs peuvent eux-mêmes arbitrer selon une même source de data. JCDecaux est ainsi en train d’unifier les mesures d’audiences au sein de l’ensemble de ses aéroports dans le monde, via l’exploitation des données Amadeus. Ce modèle devrait être utilisé à terme par l’ensemble des concessionnaires.

En France, Mobimétrie (ex-Affimétrie) est en train de faire évoluer sa mesure d’audience pour 2020 et prévoit de l’adapter aux évolutions du numérique et ses capacités plus granulaires : à terme, chaque panneau (digital ou non) aura une audience différente en fonction de l’heure et du jour de l’année. C’est une bonne chose, mais il faut du volume et de la récence de data pour répondre à toutes les problématiques de ciblage et de mesure d’efficacité.

Comme dans tout média offline en cours de disruption – la TV va vivre le même cas avec l’adressabilité -, il existe, en parallèle aux panels officiels, un certain nombre de data tierce exploitables : data mobile en tête pour le DOOH, mais aussi cartes de fidélité, comptage via les caméras intégrées au mobilier, etc. Elles peuvent être pertinentes si l’acheteur peut les exploiter sur l’ensemble de l’offre disponible et approcher un média-planning exhaustif avec le même mètre-étalon, sans pour autant la considérer comme une fin en soi. Car même avec une apparence de granularité de ciblage, le DOOH du fait de son implantation et du cadre réglementaire, restera un media “one-to-many”.

Un marché qui doit se structurer technologiquement

Il semble donc évident qu’une approche via une plateforme, équivalente à une DSP, où se réunissent inventaires (dans leur exhaustivité) et data (permettant ce filtrage des offres), est une solution pour accélérer le développement du marché.

On pourrait donc penser que les DSP digitaux, opérant déjà la vidéo, sont sur les rangs. Ils pourraient y voir là un levier complémentaire à ceux qu’ils opèrent déjà. Dans certains pays c’est un fait, mais en France les DSP sont en retard et rares sont ceux qui font de réels développements sur le sujet. Seul Displayce, technologie française spécialisée en DOOH, est opérationnelle depuis plusieurs années.

Car même si la technologie n’a pas de frontières, les liens commerciaux sont bien locaux, et connecter une DSP et une SSP (ou un simple système de booking chez un éditeur), demande un travail au cas par cas. Et donc des ressources humaines sur place.

Une des explications vient du fait que les SSP du DOOH sont pour le moment inexistantes sur le marché français, ce qui est une barrière à lever pour accéder simplement aux inventaires… Cependant, Viooh, le SSP de JCDecaux, devrait être actif en France courant 2020. Il pourrait donc pousser les autres grands acteurs du marché à prendre position : sélectionner une SSP marché, développer la leur, ou tout simplement ne pas vendre via une plateforme…

Les stratégies vont commencer à se dessiner progressivement. Comme toute innovation majeure, ce changement est à accompagner d’un point de vue humain : montée en compétences, équipes techniques et commerciales dédiées, marketing de l’offre…

Ce travail est également à faire côté agences : celles capables de mixer des cultures et populations offline et programmatiques iront forcément plus vite.

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