Par Nicolas Jaimes JDN – Article publié le 26/02/19 à 12h21

Les rumeurs d’un rapprochement entre Outbrain et Taboola, deux des leaders de la recommandation de contenus dans le monde, animaient la presse spécialisée depuis deux ans. Mais c’est finalement avec un autre acteur, Ligatus, qu’Outbrain a décidé de s’associer. Les deux groupes viennent d’annoncer la conclusion d’un accord portant sur leur fusion par un échange d’actions qui verra Gruner + Jahr, la maison-mère de Ligatus, devenir actionnaire minoritaire d’Outbrain.

L’opération devrait être finalisée d’ici la fin du deuxième trimestre, le temps que l’autorité de la concurrence donne son aval. Arne Wolter, chief digital officer de Gruner + Jahr, rejoindra alors le comité de direction d’Outbrain. Ce dernier ajoute plus de 1 400 éditeurs, dont les groupes de presse Gruner + Jahr et Bertelsmann, à son portefeuille. Outbrain va en profiter pour se renforcer en Europe, un marché où Ligatus est bien mieux implanté. La société fondée à Cologne dispose en effet de bureaux en Allemagne, France, Italie, Espagne, Belgique et aux Pays-Bas. Basé à New York, Outbrain est centré sur le marché nord-américain; même s’il a ouvert l’Europe en 2011.

Le rapprochement avec Ligatus devrait également mettre un terme à la concurrence féroce que se livraient Outbrain, Taboola et Ligatus pour sécuriser les emplacements des bas de pages d’articles. “La situation était devenue difficilement tenable pour eux. Il suffisait à un éditeur de menacer d’aller voir un des deux autres pour renégocier des contrats plus avantageux”, confie un éditeur. Pour Taboola, cette concentration est sans conteste une mauvaise nouvelle. “L’ensemble Outbrain-Ligatus pèse aujourd’hui entre 50 et 60% de nos investissements pubs en native ads. Ce rapprochement va lui permettre d’asseoir sa domination sur un secteur où de nombreux acteurs comme Adyoulike, Quantum ou Powerspace sont apparus”, estime Michael Haros, DGA de l’agence média Values.

Ce deal est, comme c’est souvent le cas dans ce marché de la pub display, également motivé par la volonté de gagner en visibilité et compétitivité face à l’ogre Facebook. “En combinant notre expertise en matière de découverte de contenus avec les solutions de native advertising de Ligatus, nous permettrons aux annonceurs de diffuser leurs publicités au sein d’un environnement premium et ouvert”, explique Alexander Erlmeier, managing director d’Outbrain en charge de l’international. Outbrain a effectivement une carte à jouer alors qu’Audience Network, l’offre de Facebook qui permet d’activer la data du réseau social au sein de l’inventaire d’autres éditeurs, peine à séduire. “La plupart des agences médias l’activent parce que l’offre est cochée par défaut au moment de lancer la campagne”, estime Michael Haros.

Alexander Erlmeier veut croire qu’Outbrain leur offrira “une alternative brand safe et premium, avec de la data de qualité.” Le groupe a développé un “interest graph” qui permet aux annonceurs de cibler les internautes selon leurs centres d’intérêts thématiques. “C’est idéal pour leur permettre de se positionner en amont du tunnel de conversion dans une logique d’image de marque”, justifie Alexander Erlmeier. Michael Haros est lui plus mesuré et estime que le pouvoir d’attraction de la data et du reach Facebook sont trop grands. “C’est illusoire de penser que cette opération permettra au native advertising de piquer à Facebook ne serait-ce que 10% de ses budgets.”

Côté technologie, une des deux plateformes devrait être mise de côté. Outbrain et Ligatus disposent chacun d’une technologie propriétaire de SSP et de DSP. Alexander Erlmeier admet qu’il faudra trancher. “L’ambition est de proposer la plateforme la plus aboutie possible où l’annonceur pourra tout gérer de A à Z.” Reste le sujet de l’humain. Oubtrain compte environ 700 collaborateurs. Ils sont près de 180 chez Ligatus, avec des risques de doublons dans les fonctions support et account management. Mais Alexander Erlmeier se veut rassurant sur l’état des effectifs : “Cette opération doit nous permettre de gérer plus de revenus et d’augmenter notre base de clients” En France, les équipes resteront en place, promet-il. Dernier point : la survie de la marque Ligatus. “Nous devons encore discuter des modalités logistiques mais nous voulons garder la marque qui est très forte en Europe.”