Mercredi 20 novembre, Médiamétrie a dévoilé les audience radio[1]. Nous pourrions commenter longuement la (triste) chute d’Europe 1, désormais devancée par… Nostalgie, ou le repli d’RMC, mais nous préférons nous intéresser au grand absent des commentaires : le lent mais régulier déclin de la consommation radio ! par Emmanuel Cybeo

En 2014, la radio cumulait 80,4% d’audience quotidienne. Cela signifie que plus de 4 français sur 5 écoutaient la radio au moins une fois dans la journée. Aujourd’hui, on en est à 76,5% d’audience cumulée soit 4 points de couverture en moins. En proportion, cela peut sembler peu mais cela représente 1 million d’auditeurs en moins chaque jour !

Non, ce ne sont pas les seuls auditeurs d’Europe 1 qui ont déserté la radio. Le déserteur type est âgé de moins de 35 ans, plutôt CSP+ et urbain soit le profil-type de l’auditeur qui a fait le succès de ce media depuis des années.

La radio n’arrive plus à recruter de nouveaux auditeurs et son audience vieillit.

Nouveaux usages, nouveaux formats

Comme on le constate depuis de nombreuses années avec la télévision, l’heure est à la « délinéarisation ». C’est-à-dire qu’on ne consomme plus seulement le média en direct. Grâce à la technologie, la consommation de l’audio se fait quand et où l’on veut : streaming, wifi, réseaux de plus en plus performants, permettent de consommer la musique ou tout autre contenu audio sans support dédié – le bon vieux poste de radio. Et cela fait la part belle aux nouveaux formats portés par de nouveaux acteurs :

  • La démocratisation du podcast, dont le marché est peu quantifiable[2], semble salvateur pour de nombreux supports. Il existe trois familles :
    • Les stations de radio historiques qui proposent leurs émissions en replay ainsi que des podcasts natifs (contenus qui n’existent que pour ce format).
    • Les titres de presse qui n’avaient pas préempté l’audio jusqu’alors, s’y mettent et proposent de plus en plus de podcasts natifs.
    • Les pureplayers qui se lancent sur ce format car ils nécessitent peu d’investissement.
  • Les webradios et leurs 144 millions de sessions d’écoutes réalisées en France, réparties sur plus de 8 000 stations.
  • Le streaming audio, difficile à appréhender, car deux acteurs se partagent le marché français : le français Deezer et le suédois Spotify. Le marché représente environ 12 millions d’individus dont 80% y accèdent gratuitement… ceux-ci sont donc adressables par la publicité.

Schématiquement, on peut donc dire que les stations généralistes font face au phénomène « podcast » et les stations musicales aux géants du streaming. Sans incarnation réelle à l’antenne et sans véritable ligne éditoriale, ces dernières risquent d’être de plus en plus chahutées dans les prochaines années. En effet, diffuser le Top 50 toute la journée ne garantira plus d’audience.

Ajoutons que le déploiement de la 5G, en démultipliant le débit, va accélérer ces phénomènes. Par exemple, on trouve de plus en plus d’équipements digitaux dans les voitures et cela ne peut que s’accentuer dans un futur proche.

Et la publicité dans tout ça

Pour une couverture optimale des cibles migrant vers ces nouveaux usages, il devient de plus en plus nécessaire d’adapter les technologies d’achat média afin d’accéder à l’ensemble des inventaires audio. Notons que certains de ces contenus délinéarisés sont achetables en programmatique, c’est-à-dire en temps réel et selon le profil de l’auditeur, ce qui permet un ciblage très fin. Le marché européen de la publicité digitale audio (podcasts, streaming webradios…) est estimé à 1,5 M€ à l’horizon 2023.

Toutefois, il existe encore des limites à ces nouveaux formats : côté podcasts, c’est l’absence de tracking fiable et de comptage précis du nombre d’écoutes et côté streaming, ce sont les datas uniquement sociodémographiques et géographiques bien plus restreintes que ce que l’on peut faire en digital.

Cela est donc pertinent pour des stratégies de branding moins pour générer du trafic ou des performances.

Les offres publicitaires vont se développer à mesure que les usages s’affirment.

Le boom des enceintes connectées[3] aura forcément une incidence sur la créativité en termes de formats mais aussi sur l’offre publicitaire.

Un média offline en pleine (r)évolution

Les stratégies des stations vont donc évoluer pour prendre en compte tous ces nouveaux usages. Selon nous, elles doivent miser sur :

  • Une meilleure structuration de « Prime Time » fortement incarnés
  • Une diversification accrue répondant aux attentes des auditeurs (podcasts, webradios…)

L’offre étant pléthorique, le media audio répond désormais à une somme d’attentes particulières et non plus à une attente collective. Les stations doivent prendre en compte ces nouveaux enjeux. Le défi est ardu et définira la radio de demain.

[1] https://www.mediametrie.fr/sites/default/files/2019-11/126%20000%20Radio_Sept-Oct%202019.pdf

[2] https://www.csa.eu/fr/survey/premier-portrait-robot-de-l-auditeur-de-podcast-natif

[3] « Seulement 10 % des internautes français de 15 ans et plus ont déjà utilisé une enceinte connectée (dont 7 % au cours des 30 derniers jours précédant l’enquête)« , indique l’étude du CSA et Hadopi parue le 28/05/19 : https://www.csa.fr/Informer/Collections-du-CSA/Thema-Toutes-les-etudes-realisees-ou-co-realisees-par-le-CSA-sur-des-themes-specifiques/Les-autres-etudes/Etude-HADOPI-CSA-Assistants-vocaux-et-enceintes-connectees

Crédit image : Modulazione di frequenza / Fabrizio Sciami via FlickrCC License by