Ce matin, les audiences radio sont sorties. Au-delà du fait que le media est toujours plébiscité par plus de 75% de la population chaque jour, ces dernières mesures d’audience nous interrogent.
Par Emmanuel Cybeo, directeur des expertises plurimédia
Nous vous livrons ici notre analyse des dernières mesures d’audience.
Une mesure d’audience hors d’âge
- Le système de recueil d’audiences radio est archaïque, et n’a pas su évoluer comme a pu le faire la télévision. Aujourd’hui, comme il y a 20 ans, l’audience est mesurée par interviews téléphoniques a posteriori. Ainsi, chaque jour, entre 17h et 20h, des individus sont tirés au sort et sont appelés par des employés de Médiamétrie qui leur demande s’ils ont écouté la radio durant la dernière journée, et en mentionnant quelle(s) station(s) et à quelle(s) heure(s). Ils posent la même question sur la tranche 17h-24h de la veille. Ainsi, en compilant les interviews, on arrive à avoir une audience estimée par ¼ h en moyenne par station. C’est la règle depuis 2000 et personne n’a rien à y redire en temps normal.
- Mais quand Médiamétrie annonce suspendre le 17 mars 2020 le recueil des audiences, rien ne va plus. L’audience de la radio n’est plus mesurée en France à compter de ce jour. Et pourtant, des systèmes automatisés existent. Par exemple, l’AIP (audimétrie individuelle portée) existe et est en test depuis 2014. Il s’agit d’un boitier que les panélistes portent sur eux et qui détectent les sons et les réattribuent aux stations. C’est le système qu’a mis en place la TV pour mesurer l’audience hors domicile.
- C’est aussi ce que refuse une partie des stations privées depuis des années. Pourquoi ? La mesure actuelle garantit une audience lissée par ¼ h : on part du principe qu’un auditeur présent à 7h sur une station l’est encore à 7h14. Le recueil passif de l’audience pourrait engendrer une audience minute par minute, et donc mettre en lumière un décrochage sur les écrans publicitaires. Les stations privées, dont le business model est exclusivement basé sur les revenus publicitaires, ne sont pas prêtes à prendre ce risque.
Par conséquent, à date, il n’y a aucun outil qui permette de mesurer l’impact de la crise sanitaire actuelle sur les audiences radio.
Principaux enseignements de la vague
- Sur les données d’audience publiées ce jour, nous arrivons toujours au même constat : la radio a de grandes difficultés à recruter de jeunes auditeurs. D’où une baisse structurelle du media : -119 000 auditeurs quotidiens en un an.
- Grâce à l’actualité, les stations généralistes consolident leurs audiences (42,9% de PDA 13+, +2,2 points en 1 an). En effet, l’ensemble de la période d’étude a été marquée par la propagation du Covid-19 (pour rappel, le 22 janvier, un premier bilan en Chine était communiqué). Les deux stations plébiscitées sont RTL (13,4% de PDA, +1,6 point) et France Inter (13,4% de PDA, +1,2 point)
- Les stations musicales jeunes souffrent toujours de la concurrence du streaming : les 4 stations représentent 14,2% de l’audience sur la vague vs. 15,3% l’année dernière. NRJ est la station la plus en recul avec 214 000 auditeurs perdus en 1 an.
Les bureaux restent ouverts pendant le confinement.
Depuis le 17 mars, nous n’avons donc plus aucune visibilité sur l’audience réelle du media. Toutefois, deux informations sont plutôt rassurantes et nous confortent sur la bonne santé de l’audience radio :
- L’ACPM (L’Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias) a communiqué les audiences en ligne du média, avec une croissance de 15% vs. les semaines non confinées. Les stations les plus écoutées sont les stations d’informations (+39% pour France Inter, +128% pour France Info). Attention, ces chiffres sont à relativiser : D’une part car cette étude ne mesure pas les audiences de RTL et d’Europe 1 ce qui nuance un peu les bons résultats des autres stations, d’autre part, l’audience digitale ne représente que 10% de l’audience totale du media. Enfin, la radio est écoutée à 50% au volant de sa voiture.
Ci-dessous, les chiffres communiqués par l’ACPM :
- L’autre étude vient de Suisse et nous permet d’appréhender plus globalement le media. Si la TV est comme en France, la grande gagnante à toutes heures de la journée, la radio est stable quasiment toute la journée par rapport à l’avant confinement, et gagne des auditeurs dans une moindre mesure tout au long de la journée. Le décrochage se fait plutôt en fin d’après-midi, lorsque la TV reprend le relais.
Pour conclure, la radio se porte plutôt bien et les bonnes audiences le prouvent. Toutefois, il faut impérativement que le media réussisse sa révolution, tant via des mesures d’audiences plus fines que via des offres à même de recruter les plus jeunes.