Trois d’entre nous se sont rendus à New York la semaine dernière, l’occasion de rencontrer différents acteurs du marché de la TV programmatique : technologies, agences, fournisseurs de data… L’opportunité de faire le point sur le marché américain, pionnier en la matière, qui a été lancé en 2014. Les investissements sur ce segment de marché aux US sont en forte progression (1,75 Mds $ en 2018 selon E-Marketer, et estimé à 2,7 Mds$ en 2019) mais restent cependant une faible partie des investissements totaux en TV (environ 4%).

Quelles sont les contraintes et les limites de ce mode d’achats et de ciblage ? Quels sont les usages et pratiques des annonceurs et régies ? Notre objectif était de comprendre les enjeux afin d’anticiper l’ouverture de ce marché dans quelques mois en France.
En effet, l’autorité de la concurrence a donné un avis favorable en février, la législation a donc de fortes chances d’évoluer avant la fin 2019, et rendre (potentiellement) possible l’adressage d’une publicité en TV selon le profil du foyer.

Un marché publicitaire TV où les Telcos ont un rôle actif

Les chaînes de TV disposent de 14 mn de publicité vendables par heure, parmi lesquelles 2mn sont commercialisées par les régies des cablo-opérateurs (Verizon, Comcast, AT&T…). Contrairement à la France, une partie de l’espace des chaînes est donc sous-traitée par les Telcos. Ces derniers peuvent commercialiser ces espaces de manière traditionnelle (sur une cible sociodémo), en data-driven ou en TV adressée, tout dépend des besoins des acheteurs.

Cette organisation de marché paraît très peu probable en France, le marché étant beaucoup plus concentré et la gestion de l’espace publicitaire est très différente de la part des régies…

TV adressée et Data Driven TV : 2 marchés bien distincts

La TV adressée est la possibilité de diffuser un spot différent selon le profil du foyer. La data driven TV ne fait pas cette différenciation (même spot pour tout le monde), en revanche la cible d’optimisation TV n’est pas sociodémo mais comportementale. D’une certaine manière la data driven TV existe déjà en France, avec les « cibles Shoppers » proposés par TF1 et FranceTélévisions mais les segments disponibles sur le marché US sont beaucoup plus importants…

Le marché US est essentiellement data-driven TV plutôt qu’adressable.

La TV adressée est un complément mais pas une fin en soi

Il y a 120M de foyers aux Etats-Unis et seulement 32M sont réellement adressables.
Au-delà d’une couverture restreinte mais hautement qualifiée, les annonceurs et agences travaillent la TV adressée comme un complément à leur plan TV. Leur objectif : surpondérer une cible de niche, complémentaire de la cible principale (sociodémo ou comportementale en data driven).

 
Et la data dans tout ça ?

Nielsen reste le maître étalon, équivalent de Médiamétrie en France, avec un panel d’environ 20 000 foyers.
Contrairement à la France, d’autres acteurs proposent des données de consommation TV. Il y a bien évidemment les Telcos mais également les ACR (Automatic Content Recognition) comme Samba.TV ou Vizio, qui jouent un rôle important dans la fourniture des données nécessaires au marché data-driven TV.
Ce sont des systèmes embarqués dans les Smart TV (TV connectées à Internet). L’énorme avantage de ces systèmes est qu’ils s’affranchissent du Telco car l’audience est collectée sans son aide, de manière indépendante. De plus ils collectent la totalité de la consommation TV, pas uniquement la TV linéaire (temps passé à jouer sur une console, portails de replay ou Netflix par exemple…).
 
Ces différentes sources de données de consommation TV sont ensuite croisées avec les acteurs capables de fournir la data recherchée par l’annonceur (Catalina ou Experian pour les données de grande consommation offline par exemple). La clé de réconciliation entre ces acteurs est l’adresse IP, qui est assez peu précise. Idéalement il faudrait disposer de l’adresse email d’une personne du foyer ou mieux son nom, prénom et adresse physique pour être précis dans les croisements. (données dont disposent les Telcos…)
 
Étonnamment le marché US n’a pas encore standardisé la segmentation de la data : acheteurs et vendeurs travaillent avec des segments différents, des méthodes de collecte et de croisements variées, on est donc encore assez loin d’une unification des pratiques. 
 
Différentes manières d’activer ces datas
 
Tout comme sur la data, le marché s’est structuré de manière hétérogène sur les outils…  

Certaines agences rencontrées font elles-mêmes le travail de segmentation avec les partenaires et demandent ensuite aux régies d’optimiser les plans directement sur ces segments. Donc, dans ce cas, c’est à la régie de faire en sorte d’estimer correctement l’audience et de délivrer le bon nombre de contacts sur la cible en question… C’est donc à chaque régie d’accepter ou non de s’engager sur cette optimisation, on est bien dans du cas par cas…
 
Parallèlement, il existe des plateformes de réservation de plans, proposant un accès à différents segments comportementaux qui peuvent être croisés à des données d’audience. Un système automatisé de réservation de l’espace auprès de certaines régies partenaires vient compléter l’offre. L’achat se fait au CPM net (pas de négociation possible, pas d’enchère).
 
2 biais majeurs observés :

  • Des acteurs technologiques non transparents : ils pratiquent une marge sur l’espace vendu (un équivalent de la Loi Sapin n’existe pas aux US…), ce qui ne va pas dans le sens de la transparence souhaitée par les annonceurs et agences…
  • Les régies intégrées à ces plateformes ne proposent pas d’espace premium, réservées à l’achat en gré à gré.

A quoi s’attendre pour le marché français ?
Selon nous, plusieurs enjeux majeurs à considérer :

  • L’évolution attendue prioritaire pour les annonceurs est l’approche data-driven TV, pas la TV adressée. La TV reste un formidable média de masse, donc un outil pour parler au plus grand nombre et rapidement, c’est une condition de son efficacité. Davantage de data, donc un ciblage plus fin permettra de mieux optimiser les plans, sans forcément restreindre le message à une micro cible.
  • Un marché qui doit s’organiser côté data : les discussions entre fournisseurs d’audience TV et ceux capables de l’enrichir doivent avoir lieu pour faire l’inventaire des possibilités, créer des standards communs.
  • Les outils pour les activer n’existent pas encore : la clé de la réussite réside dans l’estimation fine de l’audience. De nouveaux outils d’achats TV doivent émerger pour industrialiser ces nouvelles possibilités.
  • Des défis techniques et juridiques à relever, notamment sur la collecte de l’opt-in, tout en étant en conformité avec RGPD (recueillir le consentement de l’utilisateur concernant ses datas de consommation TV)

L’équipe Values se tient à votre disposition pour répondre à vos questions.